21/07/2020
Greyhound
Nous sommes quelque peu étonnés de constater qu'en 2020, il y a encore des productions cinématographiques dépeignant à la fois l'armée américaine comme un parangon de l'ethique au combat et des règles de la guerre, et l'armée allemande (en l'occurence ici, la Kriegsmarine) comme l'émanation totale de satan (et autres repoussoirs). Greyhound devait initialement sortir en salles le 12 juillet 2020 mais cette date fut repoussée en raison de la pandémie de Covid-19. Entretemps, Apple rachetait les droits à Sony Pictures et diffusait le film le 10 juillet dernier sur son service de streaming Apple TV+. Bien s'en est fallu car ceux qui se seraient rendu au cinéma en auraient eu pour leur argent tant cette production annoncée prometteuse ne valait pas le détour.
A la manoeuvre, Tom Hanks en capitaine de frégate. Décidément, l'acteur fétiche de Spielberg n'en finit plus de jouer les héros (Captain Philips, Bridge of Spies, Sully...etc), cette espèce tant convoitée par le public américain. Cette histoire fictive se déroule en 1942, soit au début de l'intervention américaine dans le second conflit mondial (1). Dans le contexte de la Bataille de l'Atlantique (2), l'USS Keeling (nom de code radio Greyhound), escortant un groupe de navires, doit rejoindre les côtes anglaises. Sur le chemin et en pleine tempête, il doit affronter les terribles U-Boot allemands, immortalisés par le film culte de Wolfgang Petersen (3) et dépeints en Occident comme d'affreuses créatures depuis le torpillage du Lusitania en 1916. Ce chassé-croisé mettra donc aux prises de braves et irréprochables soldats américains et des soldats allemands abjects ("nous vous tuerons tous ainsi que vos femmes", un loup menaçant dessiné sur un sous-marin allemand), avec pour résultats quatre sous-marins coulés par un destroyer dirigé par un novice (excusez du peu) et qui ne perdra que quelques hommes...
C'est ce scénario pauvre, archétype du cinéma américain bien-pensant, qui est venu s'intercaler entre deux prières du capitaine courage (autre célèbre cliché). L'ensemble se termine fort logiquement par un hommage aux 72200 "âmes perdues pour toujours" dans la Bataille de l'Atlantique (3500 navires coulés). Qu'avons-nous donc appris ou découvert hormis des séquences technico-tactiques pertinentes et de beaux plans guerriers? Pas grand chose. J. N
Greyhound (Aaron Schneider, 2020, USA, 90 min)
Cast: Tom Hanks, Stephen Graham, Elisabeth Shue, Matt Helm, Craig Tate, Rob Morgan, Travis Quentin.
(1) L'attaque japonaise contre la base américaine de Pearl Harbor survient le 7 décembre 1941.
(2) L'expression dont on doit la parenté à Winston Churchill désigne l'ensemble des combats qui ont eu lieu dans l'Atalntique-nord durant la Seconde guerre mondiale, du 3 septembre 1939 au 8 mai 1945.
(3) Das Boot (1981).
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18/11/2018
Au cœur du troisième Reich
Figure complexe et controversée de l'Allemagne nazie, Albert Speer (1905-1981) était l'architecte en chef du Parti nazi (NSDAP, il y adhère en 1931) puis du IIIème Reich (1934). A partir de sa prise de fonctions ministérielles, il intégrait le cercle très restreint des proches d'Adolf Hitler. En temps que ministre des armements et la production de guerre (1942-1945), Speer parvint à accroître la production allemande malgré les bombardements alliés. Cette fonction le rendait ainsi responsable des travaux forcés imposés à des centaines de milliers de Juifs et autres nationalités dans les usines ou camps de concentration allemands.
C'est ainsi que lors du fameux procès de Nuremberg (20 novembre 1945 - 1er octobre 1946), jugeant les dignitaires allemands à la fin de la Seconde guerre mondiale (1939-1945), il fut inculpé de deux chefs d'inculpation (crimes de guerres, crimes contre l'humanité) sur quatre. Il échappa de peu à la pendaison car son sort nécessita deux jours de négociation et un marchandage féroce entre les huit juges (3 désirant la peine de mort) pour qu'un compromis fut trouvé. Pour avoir désobéi vers la fin du conflit aux ordres de Hitler de démolir toutes les installations industrielles en Allemagne et dans les territoires occupés, Speer n'écopa finalement que de 20 ans de prison. C'est quelques années après sa libération qu'il publia cette autobiographie, considérée comme le témoignage le plus clairvoyant et précieux de l'univers hitlérien et de la Seconde guerre mondiale vue d'Allemagne. J. N
Quatrième de couverture
"Maintenant, écrivit Hugh Trevor-Roper en 1948, après qu'Albert Speer eut été condamné à vingt ans de réclusion, il va peut-être avoir le loisir de rédiger son autobiographie, et il se pourrait bien que ce soient là les seuls mémoires légués par le IIIe Reich qui méritent d'être lus." Ce livre, Albert Speer nous le propose aujourd'hui. C'est le récit d'un homme dont le destin fut, douze années durant, lié à celui de Hitler. Occupant des situations très différentes mais toujours exceptionnelles, il fut tour à tour l'architecte de la métropole germanique, l'ami fidèle des réunions nocturnes à la Chancellerie du Reich et au Berghof, le technocrate et l'organisateur qui obtint, dans la production d'armements, des résultats qui étonnèrent le monde, l'opposant enfin, aussi efficace qu'inattendu, à qui l'Europe doit, pour sa large part, sa survie économique.
De la naissance à la chute du IIIe Reich, Albert Speer occupa un poste d'observation idéal. Appartenant au cercle des intimes de Hitler sans pourtant s'y intégrer, il fut puissant sans rechercher la pouvoir. Restant en marge, il conserva, seul dans l'entourage immédiat du "Führer", un regard droit et lucide. Même ses détracteurs les plus résolus ont reconnu qu'il avait préservé son intégrité morale tout au long de sa carrière au service d'un système amoral. Après avoir entendu ses déclarations à Nuremberg, Göring affirma que Speer n'avait jamais réellement été des leurs et conclut : "Nous n'aurions jamais du lui faire confiance!"
Les souvenirs que nous ont laissés jusqu'ici les principaux protagonistes de cette époque ont ceci de paradoxal que, parmi ces derniers, ceux qui furent les témoins directs de l'aventure hitlérienne ne se montrent ni intellectuellement ni moralement qualifiés pour porter témoignage, tandis que ceux qui étaient doués de clairvoyance et de lucidité ne purent jamais, approcher Hitler d'assez près pour nous livrer un témoignage instructif. Albert Speer est l'exception. Il possède à la fois le discernement et la connaissance intime des faits. "Je n'ai pas seulement voulu raconter, mais aussi comprendre", affirme-t-il dans le dernier chapitre de ses mémoires, tirant ainsi le bilan de sa vie et de ses souvenirs.
Eugène Davidson, président de la Yale University Press, auteur d'un livre sur les procès des criminels de guerre, écrivit, après avoir lu le manuscrit des mémoires de Speer, que ceux-ci ne constituaient pas une tentative de justification ni une plaidoirie, mais "un témoignage historique incomparable, un document absolument irremplaçable".
Albert Speer, Au coeur du troisième Reich, Paris, Fayard, 1971 (1969), 816 p.
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05/05/2018
De la résistance à la guerre civile en Grèce
Diplômée de Sciences Po, agrégée, et spécialiste de la Résistance grecque (Seconde guerre mondiale), Joëlle Fontaine, fait bien de retracer les jalonnements politiques survenues en Grèce durant la période 1941-1946, période méconnue du grand public. Elle y explique comment la Résistance grecque (1), l'une des plus actives et efficaces de l'Europe occupée par les nazis, fut systématiquement court-circuitée par les Anglais (on ne percevra plus jamais Winston Churchill de la même manière) en pleine résistance à l'occupant allemand, avant d'être définitivement massacrée vers la fin de la guerre par ces mêmes Anglais travaillant main dans la main avec les collaborateurs.
Cette période, racontée de manière on ne peut plus claire et s'appuyant sur une documentation très solide, est le prélude de la guerre civile qui dura du 12 février 1946 au 16 octobre 1949 et qui opposa le Parti communiste de Grèce (appuyé par l'URSS et la Yougoslavie) au Royaume de Grèce (2), soutenu fort logiquement par les Etats-Unis et le Royaume-Uni, désireux coûte que coûte d'éradiquer la "menace communiste" dans un contexte de début de Guerre froide et du bipolarité du monde (3).
Comprendre l'état politique et économique de la Grèce d'aujourd'hui mais également la période de la dictature des colonels (1967-1974) passe nécessairement par appréhender cette période critique qui annonce que la Grèce sera maintenue "dans le statut de pays dominé qui est le sien depuis sa création, avec la complicité de ses gouvernements successifs" (p. 360). Un ouvrage précieux.
Extraits
"On ne peut comprendre ce qu'est la Grèce actuelle en ignorant toutes ces années de guerre et de dictature qui ont laissé des traces profondes. Elles expliquent en partie le maintien jusqu'à aujourd'hui d'une armée surdimensionnée par rapport à ce petit pays. Elles ont retardé la modernisation des structures économiques et sociales qui s'est faite dans la plupart des pays européens après la guerre. Elles ont au contraire permis le maintien en place d'élites parasites, complices de la domination des grandes puissances, entretenant la corruption et le clientélisme à l'origine du gonflement de la fonction publique. [...]
La tutelle financière et politique actuellement imposée à la Grèce par l'Union européenne et le Fonds monétaire international, le scandale déclenché en novembre 2011 par la timide tentative du premier ministre grec pour consulter le peuple et "l'invitation" humiliante à y renoncer qui s'en est suivie - tout cela rappelle que la Grèce ne dispose que d'une souveraineté très limitée, comme elle en a fait maintes fois la douloureuse expérience au cours de son histoire."
J. N
Joëlle Fontaine, De la résistance à la guerre civile en Grèce. 1941-1946, Paris, La Fabrique, 2012, 373 p.
(1) Le Front de libération nationale (ELAM) et sa branche armée, l'Armée populaire de libération nationale grecque (ELAS) constituaient le principal mouvement de résistance à l'occupation nazie. Ils étaient contrôlés par le Parti communiste de Grèce (KKE).
(2) La Grèce fut politiquement un Royaume durant trois périodes : 1832-1924, 1935-1941 et 1944-1973. Le retour en Grèce du roi Georges II en septembre 1946 est assuré par les Anglais.
(3) C'est le 5 mars 1946 que Winston Churchill popularise l'expression "rideau de fer", désignant une Europe divisée en deux blocs politiques et idéologiques antagonistes.
12:58 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : de la résistance à la guerre civile en grèce. 1941-1946, joëlle fontaine, grèce, communisme, seconde guerre mondiale, guerre civile grecque, goerges ii, winston churchill
26/02/2016
Apocalypse, Hitler
Dans l'excellente série Apocalypse dont la première production concernait la Seconde guerre mondiale (1), le troisième volet fut dédié au tristement célèbre Adolf Hitler. Ce volet est lui-même divisé en deux segments, le premier ("la menace") relate la jeunesse de cet artiste raté qui fut caporal-estafette durant la Première guerre mondiale. Marqué par la défaite et l'humiliation allemande (le fameux diktat imposé à Versailles en 1919), le futur Führer, nourri par un nationalisme exacerbé et un antisémitisme maladif, devient durant les débuts de l'éphémère République de Weimar (2) "agitateur politique à temps plein", avant de rejoindre les rangs d'un groupuscule d'extrême-droite, le DAP (3).
Le putsh raté de la brasserie (4) lui vaudra quatre ans de prison mais il purgera moins du quart de la sentence. C'est durant ce séjour à la prison de Landsberg qu'il rédigera ce qui deviendra par la suite la bible des nazis, Mein Kampf (5), pamphlet antisémiste et xénophobe qui constituera la pierre angulaire de la politique qu'il élaborera dans son IIIème Reich (1933-1945).
Le second segment relate ce que le dramaturge allemand Bertold Brecht (1898-1956) appela "la résistible ascension d'Adolf Hitler". Dans une Allemagne saignée par la crise économique de 1929 et minée par l'instabilité politique, Hitler profitera de l'impossible coopération entre les deux partis politiques traditionnels, le DSP (socialiste) et le KPD (communiste) pour accentuer le chaos et gravir les marches du pouvoir. Aux élections législatives de novembre 1932, le parti nazi est en tête (33.1%) mais socialistes (20.4%) et communistes (16.9%) constituent encore une force non négligeable. En vain, l'incendie du Reichstag (février 1933) leur sera imputé et leur score sera annulé avant qu'ils ne soient envoyés au premier camp de concentration, Dachau, fondé en mars 1933.
Archives inédites, narration puissante, et montage impeccable font de ce documentaire court (cerner le plus grand tyran de tous les temps en moins de deux heures est un exercice délicat) une source vidéo inestimable. Le souci permanent d'objectivité permet de même au spectateur de comprendre avec acuité cette Allemagne foudroyée par Versailles et marchant vers l'Apocalypse. J N
Apocalypse, Hitler (2 épisodes de 55 minutes chacun)
Réalisation : Isabelle Clarke, Danielle Costelle.
Narration : Mathieu Kassowitz.
(1) Apocalypse, la Seconde guerre mondiale (6 épisodes, 2009, France 2) fut le premier volet de cette longue série. Il sera suivi d'Apocalypse, Hitler (2011, France 2), d'Apocalypse, la Première guerre mondiale (5 ep, 2014, co-production), puis d'Apocalypse, Staline (2015, 3 ep, France 2) et d'Apocalypse, Verdun (2016, 90 min, France 2).
(2) Nom donné au régime politique qui dura en Allemagne de 1918 à 1933.
(3) Fondé en janvier 1919 par Anton Drexler et Michael Lotter, le DAP (Parti ouvrier allemand) est l'ancêtre du NSDAP, le parti nazi.
(4) C'est à la brasserie Bürgerbräukeller, située à Munich et où se déroulaient les meetings du NSDAP, que débuta le putsch du 8 novembre 1923.
(5) Intitulé à la base "Quatre ans et demi de lutte contre les mensonges, la stupidité, et la couardise", Mein Kampf sera rédigé avec l'aide de Rudolf Hess, également protagoniste du putsch et futur bras droit d'Hitler.
23:50 Publié dans Documentaire, Film | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : hitler, seconde guerre mondiale, iiième reich, allemagne nazie, nazisme, apocalypse hitler, apocalypse
20/07/2014
Toula
Ce drapeau singulier a attiré notre attention récemment. Une longue recherche a due être menée pour trouver une explication précise de ses symboles. Il s'agit de celui de l'Oblast (région) de Toula (25.700 km²), unité administrative de la Fédération de Russie. Sa capitale, qui porte le même nom et qui se trouve à 193 km de Moscou, reçut en 1976 le titre de Ville Héros, pour avoir résisté avec acharnement à l'occupant nazi lors de la Bataille de Moscou (1941), stoppant notamment l'assaut de la 2ème armée de Panzers du général Heinz Guderian. Il semblerait que les trois épées formant un astérisque soient là pour rappeler que Toula est un centre important d'artisanat et de construction d'armes. En 1712, Pierre le Grand fit construire dans la capitale une fabrique d'armes encore réputée de nos jours. Les deux marteaux constituent logiquement un hommage aux ouvriers et la couleur rouge est associée à plusieurs sens (souveraineté, puissance, sang versé pour la patrie). Le drapeau fut adopté le 24 novembre 2005. J. N
11:00 Publié dans Drapeau | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : drapeau russe, toula, drapeau toula, russie, oblast de toula, seconde guerre mondiale